Carte blanche #6 · Dialogues dans ma salle de bain

Qui se cache derrière un rideau de douche ? Deux femmes, à moins que ce ne soit deux hommes, ou bien une femme et un homme, ou bien encore peut-être n’est-ce qu’une seule personne (homme ou femme) et son double, peu importe. Le sexe n’a pas d’importance.
En tous les cas, ils dialoguent. Elles (ils, ou elle, ou il ou il et elle) échangent des mots dans un espace qui n’a pas de limite.
Chaque dialogue par petite séquence brève, nous plonge dans un abîme sans fond.
Comme sur la surface d’une photo polaroïd, les deux personnages apparaissent, et disparaissent.
Il semblerait qu’il n’y ait aucun sens à tout ça. Qu’ils parlent pour ne rien dire. Et pourtant. Sous le tapis qu’ils soulèvent, il y a notre condition humaine.
Une condition sans condition. Et c’est bien ça, le problème.
Ça parle de nous, du quotidien, du chaos sous nos pieds-jacents
Ça parle de communication ce mot horrible
Du dernier instant, comment le vivre
Du temps qui passe, ce paradoxe
Du monde qui va mal, ça on sait
De la famille, telle qu’elle est, qu’elle voudrait être, qu’elle n’est pas. Qu’elle ne sera jamais.
Du couple, qui enfonce les portes ouvertes
De l’ennui qu’on avoue. De la sérénité qui n’existe pas. D’une pulsion soudaine. Du silence. Du bien-être policé. Du ciel au-dessus de nos têtes.
De ce qu’on aimerait faire et qu’on ne fait pas.
Ça parle de l’autre, celui d’en face, avec son corps qui n’est pas le tien, ni le mien, ni le vôtre
Ça parle de lui qu’on n’est pas
Du corps qui contient celui qui est dedans, qui est moi, qui est toi, qui ne se montre jamais.
Ça parle de toi, Ça parle d’eux, de nous, d’elle, d’elles, de lui, de vous, de moi.
En tous cas
Ça parle.
Mais ce dialogue finit par nous prendre au cou.
Parce que le miroir et l’eau sont des leurres.
Un entre-soi insupportable qui nous étouffe
Seule issue possible : en sortir.
Alors le rideau sera soulevé, pour sortir de soi, et oser le dehors.